Décidément, le monde n’est plus ce qu’il était... Il y a dix ans encore horizon indépassable des relations internationales, la souveraineté peine à maintenir ses positions face à l’émergence des valeurs communes à l’humanité et à la globalisation de l’économie. A vrai dire, elle recule un peu partout : de vieux Etats-nations doivent en sacrifier une partie pour s’intégrer à de plus grands ensembles ; l’ingérence a de moins en moins besoin de se parer des oripeaux des grands principes et passe à l’occasion pour un devoir ; certains Etats ne parviennent plus à garantir l’immunité de leurs ressortissants, voire de leurs anciens dirigeants... Bref, l’autorité des Etats n’est plus un dogme.
Cette mutation – considérable – n’ayant pas fini de produire ses effets, les Etats gagneraient grandement à mener une politique moins brutale et moins cynique. Au lieu de se cramponner au couple dépendance/coopération du temps de la Guerre froide, ils pourraient, plus modestement, défendre celui que forment l’autonomie et l’interdépendance. Sans doute doivent-ils aussi développer l’esprit de responsabilité au détriment de la ruse (qui n’est rien d’autre que la violence déguisée).
Beau programme pour le xxie siècle !
Bertrand Badie est professeur de science politique à l’Institut d’études politiques de Paris. Il a publié chez Fayard Les Deux Etats (1987), L’Etat importé (1992) et La Fin des territoires (1995).
Collection « L’espace du politique »
dirigée par Pierre Birnbaum