« Elisabeth est vierge, comme l’Angleterre est île », déclarait Victor Hugo à l’époque romantique ; tout en précisant : « En admirant Elisabeth, l’Angleterre aime son miroir ». C’est cette relation étroite entre une femme et son pays que Bernard Cottret met au cœur de la reconstitution minutieuse du règne de la reine vierge. Vierge, Elisabeth l’a été, car elle n’a jamais eu qu’un seul époux, le royaume. Comment relever ce défi singulier, dans une société aussi imprégnée par les rites masculins de la guerre et de la violence que l’Angleterre de la Renaissance, être un « roi femme » ? Dans ce livre brillant et entraînant, qui est davantage un essai historique qu’une biographie classique, B. Cottret montre comment la reine, pénétrée du caractère symbolique et religieux du pouvoir, a consciemment engendré son propre mythe, à la construction duquel ont participé poètes, peintres, écrivains, théologiens, et naturellement hommes de guerre et courtisans dans cet âge d’or épris de littérature, de théâtre et d’épopée.En même temps qu’une description de la société politique anglaise du XVIe siècle, une réflexion sur l’idéologie et l’exercice du pouvoir royal quand il est assumé par une femme qui s’est rendue, dans sa vie publique et privée, intouchable. Par quoi ce règne exceptionnel ouvre à la modernité. Et l’auteur sait y mettre le ton.