Ce livre a pour objet le " corpus huguenot " des textes sur l'Amérique. Au XVIe siècle, la plupart des entreprises conduites par la France au Nouveau Monde sont le fait des protestants, Roberval au Canada, Villegagnon au Brésil, Ribault et Laudonnière en Floride. Or les protestants français apparaissent en butte à une contradiction qui confère à leur action et à leur réflexion un caractère spécifique. D'un côté ils combattent l’impérialisme espagnol et divulguent la " légende noire " de la conquête de l'Amérique. Mais à partir du moment où, chassés de France par les persécutions et la guerre civile, ils s'efforcent eux-mêmes de prendre pied au Nouveau Monde, ils se trouvent à leur tour confrontés au problème de l’altérité indienne. De cette surprise naît une attitude embarrassée, qui oscille entre l'exaltation du libre sauvage et sa condamnation comme héritier de la malédiction de Cham.
Dans l’histoire de la colonisation, l'expérience huguenote aux Amériques annonce la Virginie de Raleigh et à plus longue échéance la Nouvelle-Angleterre des Puritains et la Pennsylvanie des Quakers. Par-delà le mythe du Bon Sauvage qu'il esquisse et les utopies qu'il invente, cet ensemble incomparable de textes procédant de témoins, d'historiens, de théologiens et de polémistes ouvre des perspectives d'une étonnante modernité.
À côté de l’histoire événementielle, diplomatique et littéraire, ce livre réserve une large place à ce que La Popelinière appelait " l’histoire des histoires ", la critique de l’histoire par les historiens. De la trame des événements et des écrits, retracée en huit chapitres, se détachent des études monographiques consacrées à Jean de Léry, Urbain Chauveton, René de Laudonnière, Jacques Le Moyne de Morgues, Richard Hakluyt, ainsi qu’à l’œuvre américaine de Montaigne et du cosmographe André Thevet.