Obtenir la martingale gagnante par tous les moyens, voilà le ressort criminel qui propulse le héros désargenté... jusqu’aux extrémités.
ON JOUAIT CHEZ NAROUMOF, lieutenant aux gardes à cheval. Une longue nuit d’hiver s’était écoulée sans que personne s’en aperçût, et il était cinq heures du matin quand on servit le souper. Les gagnants se mirent à table avec grand appétit ; pour les autres, ils regardaient leurs assiettes vides. Peu à peu néanmoins, le vin de Champagne aidant, la conversation s’anima et devint générale.
« Qu’as-tu fait aujourd’hui, Sourine ? demanda le maître de la maison à un de ses camarades.
— Comme toujours, j’ai perdu.
Cette nouvelle est connue comme l’une des plus marquantes du grand Pouchkine. Tout son univers romanesque parait y être contenu. La société tsariste est illustrée à travers une galerie de portraits d’une certaine aristocratie désoeuvrée s’enivrant dans le jeu d’argent. La fin tragique du héros précède celle de l’écrivain, annonçant la révolution bolchevique qui balaiera cette caste. (Préface de Gus Dusemeur)