À partir de la visite à un boulanger de Tétouan (Maroc), j'avais 22 ou 23 ans, le pain a commencé à faire " signe ". Le voyage a commencé. J'étais comme " appelé " et rien n'aurait pu m'empêcher de répondre à cet appel. Ce livre est le récit de ce voyage, chaque chapitre une station, une part du " signe " déchiffrée.
Pour nous qui sommes depuis des siècles des mangeurs de pain, qui l'avons adoré jusqu'à le poser sur l'autel, dans le temple, que mangeons-nous exactement en mangeant du pain ? Une pâte issue d'une céréale dite panifiable, une pâte pétrie et fermentée, une pâte cuite – et, si possible, bien cuite ? Cela ne suffit pas. Je suis entré dans cette boulangerie à 22 ou 23 ans, j'ai passé mon CAP de boulanger à 49 ans, publié leDictionnaire universel du paintrois ans plus tard, six ans de plus encore pour mon roman Azyme, qui raconte le dernier repas de Jésus, et jusqu'à cette tentative présente de comprendre le " signe " en son entier, sa profondeur, sa verticalité, de tenter de restituer tout ce que nous ne voyons plus, ce que je nomme dans ces pages le " champ " et le " hors-champ " du pain.
La définition se trouve alors réajustée, enrichie tout au long du voyage qui passe par Çatal Höyük en Anatolie, Saqqarah, Maure-de-Bretagne, Éleusis, Capharnaüm, Vézelay, l'île de Karpathos, Hautpoul dans la montagne Noire, la rue Mignet à Aix-en-Provence, Constantinople, Malèves-Sainte-Marie-Wastines en Belgique, l'île de Shikoku au Japon, Cucugnan dans les Corbières, Jérusalem, Lima, Lannilis dans le Finistère, la rue de Ménilmontant, la maison des Compagnons du Devoir à Paris...