Le monachisme est fondamentalement un habitus, un mode de vie, une manière d'être. Il repose sur une discipline collective, découle d'une contrainte en principe librement assumée. Cette auto-coercition a duré tout le millénaire médiéval ; ce consentement dure encore. Quel autre projet humain a ainsi traversé l'espace et le temps, quasiment intact ?
Du VIe au XVe siècle et plus particulièrement au cours d'un long XIIe siècle, de la fondation de Fontevraud en 1101 à la mort de François d'Assise en 1226, cet ouvrage tente de restituer l'unité de ces formes de vie en-deçà des variantes et des reformulations qu'elles ont pu connaître au fil du temps.
Jacques Dalarun analyse et anime ce projet singulier en mobilisant Règles (bénédictine, grandmontaine ou franciscaine), coutumes (de Cluny, de Cîteaux, de Fontevraud, du Paraclet), chroniques (de Raoul Glaber), vies de saints (de Robert d'Arbrissel, de Bérard des Marses), correspondances (d'Héloïse et d'Abélard). Il le réinscrit dans la société médiévale et interroge sa place et son mode de fonctionnement. Comment une société valorisant le lignage et la transmission héréditaire a-t-elle pu créer une fraternité fictive par un constant détournement de fidélité ? Comment former un seul corps participant nuit et jour à l'opus Dei ?
C'est plus globalement l'expansion du monachisme par capillarité dans la société, à l'époque où le corps social dans son ensemble s'imprègne des valeurs du cloître, que capte cet ouvrage traversé d'une interrogation très contemporaine sur la vie collective.