Ayn Rand, née Alisa Rosenbaum en URSS en 1905 et disparue en 1982 à New York, est aux antipodes de la pensée critique européenne : son éthique de l'égoïsme, son culte de la rationalité doublé d'une ode à la liberté, sa pensée capitaliste intransigeante, sa brutalité intellectuelle en font un personnage controversé. Anticonformiste radicale, elle reste aussi une curiosité en Amérique, puisqu'elle parvient tout à la fois à fustiger l'interventionnisme économique de Roosevelt et Kennedy, condamner la guerre au Vietnam, défendre l'avortement, critiquer la religion et tailler en pièces le racisme. S'il importe de comprendre son œuvre, c'est au moins à double titre. D'abord pour saisir sa popularité aux États-Unis, où son roman La Grève reste considéré comme un des ouvrages les plus influents après la Bible. Ensuite, pour opérer un droit d'inventaire sur une pensée de l'émancipation qui exalte la confiance en l'individu, acteur de son propre destin. Elle réhabilite ainsi la notion d'héroïsme, à la croisée des idées et d'une passion pour le cinéma qui imprègne toute son œuvre. Mathilde Berger-Perrin s'essaie avec brio et empathie à ce difficile exercice d'admiration et de distanciation.