«FAIRE un beau voyage,» quelle émotion soulevaient ces simples mots dans notre cœur d’enfant! Quel trouble délicieux ils y éveillent encore!
Espérer, c’est vivre. Nous ne vivons vraiment que par l’attente d’on ne sait quoi d’heureux qui va probablement nous arriver tout à l’heure… ce soir… demain… ou l’année prochaine. Alors, n’est-ce pas? tout sera changé; les conditions de notre vie seront transformées; nous aurons vaincu telle ou telle difficulté; triomphé de l’obstacle qui s’oppose à notre bonheur, à la réalisation de nos désirs d’ambition ou d’amour. L’enfance, puis l’adolescence, se passent ainsi à appeler l’avenir inconnu, à le rêver resplendissant de couleurs magiques. Être jeune, c’est espérer, sans motif raisonné, malgré soi, à l’infini—c’est-à-dire voyager en esprit vers des horizons toujours nouveaux—courir allègrement au-devant de toutes les joies.
La plupart des hommes, rivés aux mêmes lieux par la nécessité, s’habituent à ne plus rien attendre. Ils ont appris plus ou moins vite que demain sera pour eux tout semblable à hier; la ville ou le village ou les champs qu’ils habitent ne leur apprendront jamais rien de plus que ce qu’ils savent.