Je dois établir d'abord une grande division entre les partis. Il est des pays si vastes, que les différentes populations qui les habitent, quoique réunies sous la même souveraineté, ont des intérêts contradictoires, d'où naît entre elles une opposition permanente. Les diverses fractions d'un même peuple ne forment point alors, à proprement parler, des partis, mais des nations distinctes; et si la guerre civile vient à naître, il y a conflit entre des peuples rivaux plutôt que lutte entre des factions. Mais quand les citoyens diffèrent entre eux sur des points qui intéressent également toutes les portions du pays, tels, par exemple, que les principes généraux du gouvernement, alors on voit naître ce que j'appellerai véritablement des partis. Les partis sont un mal inhérent aux gouvernements libres; mais ils n'ont pas dans tous les temps le même caractère et les mêmes instincts. Il arrive des époques où les nations se sentent tourmentées de maux si grands, que l'idée d'un changement total dans leur constitution politique se présente à leur pensée. Il y en a d'autres où le malaise est plus profond encore, et où l'état social lui-même est compromis. C'est le temps des grandes révolutions et des grands partis. Entre ces siècles de désordres et de misères, il s'en rencontre d'autres où les sociétés se reposent et où la race humaine semble reprendre haleine. Ce n'est encore là, à vrai dire, qu'une apparence; le temps ne suspend pas plus sa marche pour les peuples que pour les hommes; les uns et les autres s'avancent chaque jour vers un avenir qu'ils ignorent; et lorsque nous les croyons stationnaires, c'est que leurs mouvements nous échappent. Ce sont des gens qui marchent; ils paraissent immobiles à ceux qui courent.