On entre dans ce livre comme dans les malles de nos grands-mères, découvertes dans l'obscurité d'un grenier : pleines de souvenirs, de joies et de peines, de secrets et d'espoirs enfouis, témoins du temps qui passe. Familier et bouleversant.
Á l'origine de la maison de Neauphle dans les Yvelines, il y a l'argent laissé à sa mort par un père absent. Et il y a aussi les deux amies du Théâtre de l'Athénée, Françoise Spira et Marguerite Duras, qui toutes deux habitent des rues avoisinantes - elles promettent " la campagne, les œufs à la coque et du fromage frais ". Il y a surtout l'envie d'une maison à soi, après avoir été ballottée d'appartements en internats, de parents en parents, d'avant en après-guerre. Un rêve surgit : Neauphle sera la maison de famille que Michèle Manceaux n'a pas eue dans son enfance. Une maison-refuge non loin de Paris, où il fera bon vivre, écrire, manger et rire, une saison après l'autre, une génération après soi.
Mais la vie, dans son mouvement, n'épargne pas toujours les rêves. Neauphle sera vidée de ses meubles, de ses livres, de ses bibelots, puis vendue en 2007 par l'auteur.
Dans ce texte, Michèle Manceaux nous raconte quarante ans d'existence ; " On peut se rappeler avec plaisir le plaisir d'avoir eu du plaisir ", dit-elle. Ainsi, les jours d'été, la rue de la Gouttière voit défiler des stars sans maquillage, des militants révolutionnaires, des féministes endiablées, des émigrés en cavale, des psychanalystes qui dansent dans le grenier... C'est un lieu où flotte la présence de l'amie Marguerite, toujours prompte à l'invective, où résonnent les rires des enfants, François, Caroline et Nathalie puis Antoine et Elsa. Un lieu où l'on aime intensément. Mais Neauphle est aussi le théâtre d'une série de drames si terribles qu'une distance devient quelquefois nécessaire, via des fuites à l'étranger ou des détours par la fiction... Plus encore que dans ses précédents livres, Michèle Manceaux signe ici son texte le plus personnel, le plus intime.