Comtesse de Ségur (3 oeuvres majeurs entièrement illustrées) - *Le Mauvais Génie - *Diloy le chemineau - *La Fortune de Gaspard Extrait : *Le Mauvais Génie - Julien se leva et courut de tous côtés sans retrouver la bête disparue. Il faisait tout à fait nuit quand il rentra ; tout le monde était couché. Julien avait le cœur gros ; il monta dans le petit grenier où il couchait. Une paillasse et une couverture formaient son mobilier ; deux vieilles chemises et une paire de sabots étaient tout son avoir. Il se mit à genoux, tirant de son sein une petite croix en cuivre qui lui venait de sa mère. *Diloy le chemineau - Mme d’Orvillet et les enfants, terrifiés, regardaient avec anxiété le combat de l’ours contre le chemineau, qui recevait de temps à autre un coup des griffes terribles de l’animal. Enfin, les mouvements convulsifs cessèrent ; il resta étendu, râlant, presque étranglé, la gueule en sang. Le combat était fini, le chemineau restait vainqueur ; il lâcha un peu le nœud coulant, tira de sa poche une chaîne, la roula autour du cou de l’animal, fixa à un des chaînons le crochet qui était à un des bouts de la chaîne, et fixa l’autre bout à l’anneau de son gourdin, préparé exprès pour la circonstance, retira de dedans sa ceinture une petite barre de fer pointue, et, lâchant tout à fait le nœud coulant, laissa l’ours respirer librement, mais sans lui enlever le pieu qui maintenait la gueule ouverte. *La Fortune de Gaspard - Gaspard ne manqua pas aux promesses qu’il avait faites à Mina ; il devint de plus en plus religieux et charitable. Il chercha à réparer le tort qu’il avait fait jadis à quelques ouvriers intelligents que ses rapports trop sévères avaient empêchés d’avancer. Il protégea particulièrement André, qui obtint de M. Féréor le poste de confiance, très avantageux, qu’avait jadis occupé Gaspard. M. Féréor, amélioré par l’exemple et la tendresse de son fils et de sa fille, devint la providence du pays après en avoir été l’oppresseur. Mina obtint sans peine que les ouvriers eussent leur dimanche entièrement libre. Ils n’en travaillèrent que mieux, et reçurent souvent des gratifications qu’ils méritaient et dont ils furent reconnaissants. Tout le pays changea d’aspect ; les cafés se fermèrent faute de pratiques ; l’église devint trop petite pour la population qui s’y pressait. On ne trouvait plus dans la commune un seul individu qui ne fît pas ses Pâques et qui ne sût lire. Gaspard établit, par le conseil de Mina, pour l’usine et le village, une bibliothèque considérable et composée de livres instructifs, intéressants et amusants. Les autres propriétés de Gaspard jouirent des mêmes avantages ; la misère y était inconnue. Gaspard devint aussi un bon fils et un bon frère ; Mina resta toujours la fille et la sœur bien-aimée de la mère Thomas et de Lucas, qu’elle visitait souvent, et qu’elle continua à aider dans les soins du ménage. Celui de Mina s’augmenta de deux garçons ; le premier a quatre ans, le second en a deux ; M. Féréor les aime tendrement ; il est le meilleur des grands-pères, comme il avait toujours été pour Gaspard le meilleur des pères. Il a quatre-vingt-quatre ans, et il a le cœur plus jeune qu’il ne l’avait eu dans sa jeunesse ; il se trouve réellement heureux depuis qu’il a compris l’amour pour son prochain et pour son Dieu.