La vie d'une famille bourgeoise ne se conçoit pas au XIXe siècle sans échange de lettres, qu'elles soient écrites dans l'impérieuse nécessité de donner des "nouvelles", dictées par la mélancolie et quelquefois la solitude, ou envoyées dans l'intention d'infléchir le cours d'une existence.
Recueilli dans ce livre, l'admirable corpus conservé par la famille Froissart grâce à une exceptionnelle fidélité à sa mémoire témoigne de ce besoin d'écrire, de cet "usage" de la lettre. Mais, contrairement aux échanges épistolaires des grands hommes, intéressants par leur contenu historique ou intellectuel, les missives ordinaires et "sans qualités" passionnent l'historien qui, un peu anthropologue, cherche à y décrypter l'art et la manière de les écrire. Cécile Dauphin (C.N.R.S), Pierrette Lebrun-Pézerat et Danièle Poublan, toutes trois membres du Centre de recherches historiques de l'E.H.E.S.S., ont cherché avant toute chose à comprendre les conditions de rédaction mêmes de ces nombreuses lettres, à éclairer le "pacte épistolaire" qui les régit et à montrer comment une mémoire familiale se construit.
Ainsi, au travers des codes et des rituels d'une famille, se dévoile un monde intime et affectif auquel le discours historique rend de plus en plus justice en s'exerçant patiemment à une écoute plus attentive de l'humain.