Il y a eu un moment « sciences humaines » dans la France des années 1960, marqué par la publication des œuvres de Louis Althusser, Roland Barthes, Michel Foucault, Jacques Lacan ou Claude Lévi-Strauss. Fondées sur la mise en évidence de systèmes de signes qui s’imposent au sujet sans qu’il en ait conscience, ces œuvres constituent un défi de taille pour les croyants en l’existence d’un Dieu personnel accessible à la raison et à la liberté humaines. Peu nombreux ont été les intellectuels chrétiens capables de relever un tel défi. Parmi eux, en avant-garde comme souvent dans le passé, plusieurs jésuites, malgré la crise que leur ordre connaît en France au lendemain du concile Vatican II. Alors que la réception de la vision cosmique de Pierre Teilhard de Chardin, mort en 1955, connaît son développement maximal, Paul Beauchamp, Louis Beirnaert, Michel de Certeau, Joseph Moingt, Georges Morel, Éric de Rosny ou François Roustang prennent au sérieux le défi, à leurs risques et périls, et tentent d’y répondre, moins par souci apologétique que par volonté de faire entendre une voix chrétienne dans un concert qui lui est largement étranger. Sur cette saison de l’intelligence croyante confrontée au paradigme structural, ce livre réunit quelques pierres d’attente pour une synthèse à venir. Il participe d’une histoire du catholicisme français contemporain, et plus particulièrement de la Compagnie de Jésus en son sein. Il devrait intéresser aussi les curieux d’une histoire intellectuelle de la France des années 1960.