« Sire Renart le goupil » du XIIe siècle est devenu, chez Benjamin Rabier, et dans un Guide Bleu, « Goupil le renard ». Inversion significative d’une coïncidence parfaite entre le nom propre et le nom commun : le personnage ne se définit pas par une banale classification zoologique ou littéraire, facile à étiqueter, mais par l’activité — fondamentalement incohérente — d’un véritable être vivant, plus individuel que typique, et trop vivant pour ne pas déranger tout le monde. « Décepteur » des ethnologues, trouble-fête de l’universelle courtisanerie, « sale petit juif » allié à quelque résistance féodale, modèle où « s’éclate » idéalement le clergé, base du refus idéal de la domesticité asinaire qui préoccupera La Fontaine : ces raisons d’être idéologiques, structurent l’évolution historique d’un personnage, dont l’existence trouve son cadre dans cette étrange présentation des personnes sous des formes animales, ce « zoomorphisme », dont on cherche ici les raisons d’être, parfois peu avouables quand elles descendent au niveau du cannibalisme, mais qui justifient — historiquement — les hypocrisies de la mascarade, sous le regard intelligent — et un peu complice — de la femelle humaine, dont le mâle reste stupide et vaincu par une animalité supérieure. Jean Batany, connu depuis vingt-cinq ans comme un « Renart » un peu fantaisiste dans le monde de la linguistique française et de la littérature médiévale, enseigne actuellement à l’Université de Caen, après un long séjour universitaire dans sa patrie tourangelle, et un bref exil avignonnais. Il accueillera, avec plaisir, toutes les réactions à son « barat », même les coups de dents d’Ysengrin.