Des jeunes filles chantent en choeur le désir homoérotique que leur inspire leur chorège tout en disant leur relation rituelle avec une déesse, incarnation de la beauté féminine. Les mots chantés sur un pas de danse chorale ont été composés par un poète masculin au service de la cité de Sparte, pourtant célèbre pour sa culture militaire masculine. À l’exemple des poèmes dits parthénées du poète Alcman, on s’interroge successivement sur les formes poétiques et rituelles assumées par une sexualité dépassant l’opposition moderne entre hétéro- et homosexualité, sur les rapports sociaux et religieux de sexe que ces performances poétiques mettent en jeu, sur la culture musicale du chant qu’elles impliquent avec ses formes institutionnelles, sur des pratiques rituelles adossées aux récits héroïques fondateurs de la cité, sur les qualités et fonctions des divinités auxquelles sont destinées ces célébrations politiques et religieuses de l’adolescence féminine : Artémis, Apollon, Héra, Aphrodite et, à Sparte, Hélène. En combinaison avec une perspective d’histoire des religions en régime polythéiste, l’approche offerte par l’anthropologie culturelle et sociale invite à aborder la fonction sociale autant de ces performances musicales que des relations sexuelles impliquées. La comparaison anthropologique avec les processus rituels de l’initiation tribale permet de saisir le sens esthétique et politique de l’éducation chorale et rituelle des jeunes filles en Grèce ancienne ; ce processus éducatif à caractère initiatique les prépare aux rôles différenciés de sexe et aux statuts sociaux qu’elles assument en tant qu’adultes.