La situation politique de la France se présente, en ce premier semestre de l’année 1963, sous un jour assez neuf. Pour la première fois depuis près de vingt-cinq ans, notre armée n’est plus au combat. Que de gloires, mais aussi que d’épreuves ! Les plus récentes ne furent pas les moins amères. Mais il fallait une fin : la guerre civile risquait d’être le prix d’une évolution mal dominée pendant trop longtemps. Il était nécessaire de préserver le destin de la Nation. Pour la première fois depuis plus de trente ans, l’état des finances publiques est satisfaisant. Sans doute est-ce, notamment chez nous, un état toujours précaire, et au premier manque de rigueur, les difficultés surgissent. Mais la réalité est là : le développement continu de l’économie, la hausse du niveau de vie. Un redressement n’est jamais terminé : l’existence même de la Nation est un constant effort. Au cours des années qui s’ouvrent, la tâche du Pouvoir demeure immense. Il doit, certes, tenter de répondre aux aspirations des citoyens, car il a besoin, pour sa légitimité, donc pour agir, d’une vaste adhésion. Mais il doit faire davantage : se souvenir de ce que les citoyens oublient, regarder ce qu’ils ne voient pas, deviner ce qu’ils n’imaginent pas. La tâche sera ingrate car l’absence de danger immédiat et la relative aisance de la Trésorerie font éclore, comme il n’est que trop naturel, les ambitions les plus démagogiques, les idées ou les illusions les plus fausses, sans oublier les influences étrangères hostiles, comme toujours, à une France redressée qui affirme sa politique. Cependant, savoir, observer, prévoir, après quoi commander en fonction de l’intérêt national, est une nécessité que l’on peut qualifier d’impérieuse. Il est une certaine tendance d’esprit, dont la République a beaucoup souffert depuis un demi-siècle. Elle conseille de prendre les problèmes au moment où ils provoquent une crise et de résoudre les difficultés au fur et à mesure qu’elles vous contraignent à les affronter. Une telle attitude est déplorable. Les pages qui suivent, écrites à l’intention des hommes et des femmes qui, simplement, croient, en leur pays et ont foi en son avenir, qui, profondément, croient en la liberté et ont foi dans le bienfait social qu’elle peut apporter, n’ont pas d’autre ambition que d’expliquer les chemins qui sont ceux d’une politique nationale. Les principes étant connus, les objectifs n’étant pas contestés, où agir ? Comment agir ? C’est à ces questions que ce projet de programme entend proposer des éléments de réponse.