D’après Dion de Pruse, les titulatures honorifiques que les cités d’Asie Mineure se disputaient avec acharnement sous le Haut-Empire étaient un sujet de risée à Rome, où on les désignait sous le nom de « bêtises grecques ». L’historiographie traditionnelle a repris à son compte cette interprétation des rivalités de l’époque impériale, considérée comme de vaines querelles symptomatiques de la décadence de la cité-État. Afin de dépasser ce lieu commun, il fallait enquêter en croisant les sources littéraires, épigraphiques et numismatiques, sur les enjeux matériels et symboliques de la compétition. Cet ouvrage met en lumière à la fois les implications concrètes des statuts privilégiés liés à l’organisation provinciale (capitale de « conventus », centre du culte impérial commun) et la fonction structurante de l’usage des titulatures, qui expriment et construisent une hiérarchie entre cités valable aux yeux des provinciaux comme des autorités romaines. Il propose en même temps une réflexion sur l’évolution qui a conduit à remplacer, au moins en partie, les conflits territoriaux classique par cette nouvelle forme d’« agôn » entre cités, qui établit Rome comme arbitre. Par-delà les mutations transparaît alors une profonde continuité : avec des armes nouvelles - la diplomatie sans la guerre, la rhétorique -, les Grecs continuent de s’affronter dans des conflits qui mettent en jeu d’importantes sources de revenus et des rapports de domination, en vertu des valeurs qui leur sont propres et qu’ils ont réussi à faire reconnaître par Rome.