Né sous Descartes, mort sous Voltaire, ressuscité sous Marx, le curé Meslier pourrait passer pour un personnage apocryphe, tant son histoire nargue la vraisemblance. Le jour, il s’acquittait des obligations de son sacerdoce avec assez de conviction pour être bien noté de ses supérieurs ; le soir, à la chandelle, il couvrait des pages de blasphèmes, réclamait la communauté des biens, prônait l’union libre et formulait tranquillement les fondements du matérialisme moderne, avant d’appeler les peuples à “pendre le dernier roi avec les boyaux du dernier prêtre”. Sur ses vieux jours, il rédigea un volumineux mémoire, qu’il légua à ses paroissiens, en guise de testament, pour les “désabuser d’une religion dans laquelle il avait eu le déplaisir de les entretenir” pendant plus de 40 ans... Cette sincérité posthume fascina le Siècle des Lumières et valut au petit curé de campagne de faire son chemin dans l’Histoire, jusqu’à figurer aujourd’hui sur les murs du Kremlin parmi les “précurseurs du socialisme scientifique”, après avoir fourni à Voltaire l’occasion d’un best-seller anti-chrétien. C’est une lecture guidée de ce testament que Marc Bredel nous propose, s’appliquant à saisir dans le texte même le personnage et la genèse des idées de ce prêtre devenu philosophe.