L’agent secret, dont Christian Mégret nous conte ici les aventures, n’éteindra pas une bougie à cent mètres d’un coup de pistolet, ne brisera pas la nuque de l’adversaire par une prise de Karaté, ne pilotera pas une voiture qui crache l’huile et la fumée, n’éventrera pas, homme-grenouille, des requins. Il n’a pas la stature d’un champion de décathlon, ni la physionomie d’un séducteur de cinéma. Le "renseignement" n’a pas été pour lui une vocation. Avec un certain goût pour la littérature, il se destinait à la carrière d’ingénieur. Ce sont les hasards de la guerre qui l’ont précipité dans l’action clandestine. En somme, un agent secret malgré lui. Il remplit bien sa mission jusqu’à ce que, la paix revenue, il ait envie de faire autre chose. Mais on ne quitte pas, comme ça, la Loubianka : Andrei est citoyen soviétique. Il lui faut donc, passant aux États-Unis, feindre d’avoir choisi la liberté. A force de jouer un rôle, il ne sait plus très bien qui il est, ni ce qu’il préfère, de l’Est ou de l’Ouest. Alors il succombe à la tentation du bonheur personnel, dont l’amour, comme on sait, est l’ingrédient principal. Ce qui donne le portrait d’un indifférent, indifférent à tout sauf aux femmes. Humain, trop humain.