" Cher lecteur, n'oublie pas que, lorsque j'ai décrit de façon minutieuse et naturaliste l'existence d'un rat, c'est à toi que je pensais. "
" Je n'ai pas retenu grand-chose de ce lointain éveil de ma conscience, du temps où je ne savais même pas que j'étais un rat et où mon imagination, encore en sommeil, n'expliquait rien, ne pressentait rien.
Outre mon attirance vers la lumière, vers la moindre source de clarté transperçant mes paupières, je réagissais aux couinements aigus de ma mère. S'ajoutant à l'odeur des mamelles et à la chaleur rassurante, ils étaient là pour me guider, m'instruire, me contraindre.
Mon ouïe n'est pas encore formée, mes orifices auriculaires sont soudés et seule une toute petite partie des sons pénètre à l'intérieur. Pourtant, je distingue aussitôt le cri perçant de ma mère que j'associe à la chaleur et au goût délicieux du lait.
Ma peau, jusqu'à présent nue et rose, se couvre peu à peu d'un délicat duvet gris, je le sens, j'ai de plus en plus chaud. Désormais je ne crains plus de rester couché à découvert. "