Objet-symbole, objet-fétiche, objet mythique de la Révolution française, la guillotine a servi de décor quotidien à la période sans doute la plus dramatique — et la plus exaltante — de l’histoire de France. Entourée d’un véritable culte, auréolée d’une adoration et d’une crainte quasi religieuses, elle a fait retentir le chic de son couperet à toutes les grandes heures de cette révolution dont elle est née et dont elle est devenue l’emblème ensanglanté. Louis XVI, Marie-Antoinette, Charlotte Corday, Hébert, Danton, Robespierre, Fouquier-Tinville, tant d’autres encore sont venus jusqu’à elle interpréter le dernier acte de leurs existences tumultueuses. Jamais, peut-être, aucun ouvrage n’avait permis de « vivre » avec autant de précision, de sincérité et de rigueur les ultimes moments des principaux acteurs de la grande révolution, dans leur marche vers l’échafaud. On pénètre dans l’enfer des prisons de la Terreur, on prend place sur les gradins de la salle du Tribunal révolutionnaire, on monte dans les charrettes fatales, on traverse la foule haineuse des tricoteuses et des tape-dur, enfin on gravit, marche après marche, l’escalier du « rasoir national » dressé en permanence sur la place de la Révolution. Les figures dominantes de ce vaste cauchemar côtoient sans cesse les seconds rôles, acteurs, complices ou victimes, coupables ou innocents, d’une tragédie qui les dépassait et qui les a, un à un, engloutis. Il était bon qu’un ouvrage rendît à la Révolution toute sa dimension humaine. S’il est vrai que le sang de l’Histoire sèche vite, « La Sainte Guillotine » nous rappelle justement que ce sont avant tout les hommes qui la font, des hommes qui ont été heureux, qui ont aimé, souffert et qui, s’ils n’ont pas toujours su bien vivre, ont su, du moins pour la plupart d’entre eux, bien mourir.