Que peut bien chercher un musicologue en Sardaigne ? De la musique bien sûr. Non pas celle qu’il a apprise au conservatoire, écrite et enseignée sous la conduite d’un maître, mais celle des bergers et des paysans, qui mobilise les hommes et les femmes au rythme des fêtes et des saisons. Qui rencontre-t-il en chemin ? Des musiciens et des poètes : Cocco, éleveur de poules, déchiffrant dans les constellations d’un ciel d’été les formes de ses volatiles et les plans de ses poulaillers ; Tonino, soucieux de ses vignes et de ses oliviers, chanteur incomparable, manifestant avec ses semblables dans les rues du village pour obtenir des Ponts et Chaussées qu’ils rouvrent un pont local fermé injustement à la circulation ; Pietro, facteur noctambule partageant son temps entre les distributions quotidiennes de courrier et les sérénades impromptues destinées à de grands célibataires… Mais aussi des musiciens jaloux de leur savoir, artisans de leur métier, bricoleurs ingénieux ou véritables maîtres, développant sans cesse les parties polyphoniques de leurs musiques sur des modèles qu’ils tiennent de leurs pères, de leurs oncles ou de leurs cousins. Enfin, des femmes, autoritaires ou silencieuses, parfois meurtries par la société violente des hommes qui, périodiquement, se rassemblent autour du four d’une grande maison pour fabriquer le pain.