« Allait-il tomber Le Chien ? Piquer du nez dans les étals de Tokar où dansaient, au ras du sol, des volutes de poussière ; s’affaler, minable, aux pieds d’un vieillard ratatiné dans ses guenilles et gigoter, le dos meurtri par les pierres, devant les enfants qui vociféraient autour des méharis, couraient sur le marché en grignotant des galettes couleur de terre ? Il s’agrippait comme un pou, en jurant qu’il se tiendrait droit jusqu’à Kéren, même si le voyage durait une semaine entière ; même si la caravane traversait des tempêtes de sable et s’éparpillait sous l’éventail des mitrailleuses. Il serait raide et souverain dans ces futurs matins ; il accompagnerait jusqu’à l’étape le balancement dédaigneux des dromadaires, qui, bientôt, sortiraient un par un de Tokar, escortés par des chiens et des ânes débâtés ». Jean-Claude Guillebaud