Je me doutais un peu qu’Eusèbe Dessaint fût poète, mais sachant le hasardeux d’une telle qualification, je me permettais seulement d’être patient, voire méfiant. Car de lui, je ne connais que l’être, le croisant à date fixe, c’est toujours au mois de février, et sur la même scène de Grand Guignol, le carnaval de Dunkerque. Eusèbe, aussi flamand qu’une Goudale, habite une grande ou petite sainte, je ne sais plus, et, quand je reconnais sa silhouette, elle se découpe sur fond de ciel mauve, quand je ressens son odeur, tout autour de nous ça cocotte fort le chimique, en plus, comme il pleut, des étincelles crépitent au sommet des pylônes de 25 000 volts. Il a tout de la créature infernale, diablotin issu des bolges, Belzébuth portant perruque rouge, Béhémoth aux joues fardées, Astaroth au timbre doux (...) En lisant ces mots qu’il a sortis de son sabot de bouc, on se dit que les démons sont plus réfléchis qu’on ne le croit, que les Trois Monts percent sous la morne plaine et que, sous le feu, se pétrifie la glace. Jean-Bernard Pouy