La dangerosité alcoolique est un concept difficile à cerner qui fonde pourtant, en partie, la législation de la lutte contre l'alcoolisme. Il est en tout cas central dans la loi du 15 avril 1954, dont il constitue le paradigme dominant, et a été intégré tel quel dans le Code de la Santé publique, où il fait l'objet de l'article L. 355-2 : Tout alcoolique présumé dangereux doit être signalé à l'autorité sanitaire par les autoritaires judiciaires ou administratives compétentes dans les deux cas suivants : L'autorité sanitaire peut également se saisir d'office, à la suite du rapport d'une assistante sociale, lorsque celle-ci se sera rendu compte du danger qu'un alcoolique fait courir à autrui. De ce point de vue, la loi du 15 avril 1954, qui sanctionne un état et non un fait, manifeste qu'on passe du droit pénal d'interdiction au droit pénal d'obligation. Ce tournant dans la pensée juridique, instaure cette notion quelque peu ambiguë d'obligation de soin, qui scotomise la réalité de la relation thérapeutique derrière la coercition. Ainsi peut-on légitimement se demander s'il s'agit d'une loi sanitaire ou d'une loi d'exception, avec tous les aspects discriminatifs de sûreté et de répression que cela implique ? Pourquoi une législation spécifique pour une maladie, dès lors que le principe du droit commun assure à chacun l'égalité devant la légalité ? Afin de progresser pas à pas, il apparaît utile de mieux saisir la maladie alcoolique en définissant clairement des notions clés, puis en abordant les éléments statistiques, épidémiologiques et cliniques qui la caractérisent. Ce qui permettra ensuite, à partir d'une réflexion critique sur la notion d'obligation de soin, de voir comment la loi du 15 avril 1954 introduit une rupture dans les grands principes du droit pénal. Enfin, nous nous interrogerons sur son inapplication qui est peut-être la preuve la plus criante de son caractère obsolète. Là, devraient se rejoindre la médecine légale et l'alcoologie moderne, dont on doit reconnaître les plus récents progrès.