Les craquements qui se font entendre dans les soutes de notre société en panne ne permettent pas de croire qu'un simple époussetage suffirait à faire tolérer plus longtemps les mensonges déclamés et les injustices subies. Comme hier, plus encore qu'hier même, il s'agit, au-delà des clivages d'un autre temps et des phraséologies paravents, de favoriser l'émergence d'un réformisme rénové, moderne, social et européen, une autre voie en somme. Mais, alors qu'il y a dix ans il fallait préalablement dénoncer un certain climat de guerre civile froide, nous sommes confrontés aujourd'hui au phénomène tout aussi pervers de la tendance à la pensée unique. Que constatons-nous en effet ? Que le champ du pluralisme de l'information ne cessant de se rétrécir, que l'oligarchie capitalistique pénétrant de plus en plus au cœur du système audiovisuel, la chape de plomb du conformisme tend peu à peu à aplatir toute velléité de dire autrement ce que l'on pense différemment. Plus de place pour une autre ligne dans cet univers confiné où la contestation, voulue évidemment caricaturale, n'est introduite que comme faire-valoir d'un consensus objectivement conservateur. Et pourtant, ils sont nombreux ceux qui n'entendent ni se laisser enliser dans cet immobilisme de confort, qui justifie un nihilisme de rancœur, ni se laisser couler dans le moule d'un prêt-à-penser démissionnaire, dût-il se draper des couleurs d'une gauche de convenance ; ceux qui refusent de capituler face à l'impérialisme des clans et des castes. Mais, comment le dire, où le dire ? Nous le savons aujourd'hui : la désertion du terrain des valeurs, le travail méprisé, la laïcité trahie, le largage de la morale et le bradage de la raison, la soumission à tous les oukases culturels d'une nomenklatura autoproclamée, la restauration d'une aristocratie possédante, légitimée par une cléricature cooptée, font immanquablement le jeu des néostalinismes et des néofascismes. Il s'agit donc de réapprendre à penser librement.