" La porte s'ouvrit : la divinité parut, éblouissante de beauté et de satisfaction. On eût dit un rayon argenté sortant d'un nuage d'azur ", rapporte un témoin. Dorothée de Courlande, duchesse de Dino, de Talleyrand et de Sagan, n'était pas seulement une superbe fleur de la plus haute aristocratie, elle était spirituelle, lucide et dotée d'un fort tempérament.
Du monde qu'elle a connu et parfois enchanté, elle tint la chronique quarante ans durant, du début du premier Empire au milieu du second, dressant le portrait des têtes couronnées et des principaux hommes d'État de son temps, rapportant les échos de la cour et du gouvernement, s'immisçant dans la politique, jugeant les écrivains et les artistes, de Londres à Vienne et Saint-Pétersbourg, de Berlin à Rome, et surtout à Paris où elle résida une grande partie de sa vie.
Elle avait lié en effet son sort à celui de Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, dont le tsar Alexandre lui fit épouser le neveu. Elle devint, à partir du congrès de Vienne où elle l'accompagna avec éclat, la maîtresse de sa maison et de sa personne, et toujours sa confidente. Mais la reine des salons était aussi, au fin fond de la Silésie, une femme qui reçevait chez elle le roi de Prusse et régnait sur des dizaines de paroisses, des centaines de paysans et des milliers d'hectares.
Écrits dans un style à son image, à la fois simple, séduisant et parfois mordant, sesSouvenirs, rédigés en 1822 et qui vont de sa petite enfance à son mariage en 1809, puis saChronique, qui court au jour le jour de 1831 à sa mort en 1862, constituent un ensemble d'un charme incomparable et d'une immense valeur qui méritait aujourd'hui d'être remis en pleine lumière.