Personnage familier des grandes villes dans les années 1870 à 1914, le camelot est à la fois l’héritier des colporteurs des campagnes d’autrefois et l’enfant de la modernité qui transforme alors la France. La rue est son royaume, le boulevard sa chasse gardée et le trottoir la scène sur laquelle il commente l’actualité et joue chaque jour une nouvelle représentation. Crieur de journaux et vendeur de chansons satiriques, de brochures, de faire-part de décès humoristiques, colleur d’affiches ou de placards, il est omniprésent dans l’espace public.
Grand maître du rire par la truculence de son boniment quand l’actualité est paisible, le camelot peut exciter la foule lorsque la presse est déchaînée : principal diffuseur de la littérature contestataire, il se révèle un personnage-clé des manifestations boulangistes, du scandale de Panama et de l’affaire Dreyfus. En ces temps d’apprentissage de la démocratie, le camelot s’improvise agent électoral lors des grandes campagnes nationales et n’hésite pas à truquer les résultats des élections quand il le peut. Recruté lui-même par quelques personnages tout-puissants, comme Napoléon Hayard, « Empereur» autoproclamé des camelots, il voit son rôle diminuer après la Première Guerre mondiale.
Présent aujourd’hui encore sur les marchés d’Afrique et d’Amérique du Sud, parfois aussi dans nos villes, le camelot est un marginal qui accompagne la marchandisation progressive des sociétés et la politisation des masses.
Dans ce livre où l’on entend vibrer la rue, Jean-Yves Mollier suit pas à pas ces commerçants ambulants au cœur des villes d’hier et d’aujourd’hui et propose une nouvelle lecture d’un moment crucial de notre histoire politique.