Hessel fut l’un des premiers à voir dans la grande ville une énigme, un univers de signes à déchiffrer. Il a fait de la flânerie philosophique un véritable genre littéraire et sut mieux que tout autre traquer « la lumière moderne de l’insolite ». Promenades dans Berlin retrace cette fréquentation quotidienne des rues, la capacité de lire les enseignes, les affiches comme les pages d’un livre, d’entrevoir dans les détails architecturaux, les visages et les propos des passants, autant de symboles et d’allégories. Tout son talent tient à cette capacité de retrouver sur les choses un « premier regard ». C’est dans cette attention passionnée aux détails que réside l’art du flâneur. Ce livre s’est chargé pour moi, peu à peu, d’un message envoyé depuis un Berlin que les atrocités nazies n’avaient pas encore plongé dans l’indignité et la destruction. Et plus que jamais, il me semble aujourd’hui nécessaire de continuer à porter son message sans lequel, me semble t- il, nous ne pouvons pas maîtriser la société menaçante, dangereuse et fragile de notre temps.